Les jeunes diplômés confrontés au chômage massif, quelles alternatives ?

Un diplôme en main… et ensuite ?

En Guinée comme ailleurs, obtenir un diplôme représente souvent l’aboutissement de longues années de sacrifice, de détermination et d’espoirs. Pourtant, pour bon nombre de jeunes fraîchement sortis des universités ou des écoles techniques, la réalité du marché de l’emploi vient rapidement assombrir ces rêves : le chômage frappe de plein fouet. Selon les données du Bureau International du Travail, plus de 60 % des jeunes diplômés guinéens peinent à trouver un emploi stable dans les deux années suivant l’obtention de leur diplôme. Alors, que faire face à ce mur invisible mais bien réel ?

Un chômage structurel plutôt que conjoncturel

Le chômage des jeunes diplômés n’est pas le fruit d’une crise passagère. Il s’inscrit dans un déséquilibre plus profond entre la formation académique et les besoins du marché. Dans les grandes villes comme Conakry, Labé ou Kankan, les étudiants continuent d’affluer vers des filières classiques — droit, économie, sociologie — sans réelle visibilité sur les opportunités concrètes qui en découlent. Pendant ce temps, des secteurs comme l’artisanat, l’agriculture industrielle ou encore le numérique peinent à recruter des profils qualifiés.

« J’ai fait cinq ans à l’université pour obtenir un Master en gestion des entreprises. Deux ans après, je suis toujours sans emploi, à envoyer des CV qui restent sans réponse », témoigne Salif, 27 ans, diplômé de Gamal Abdel Nasser de Conakry. Une frustration largement partagée dans la jeunesse urbaine.

Entrepreneuriat : une solution ou un mirage ?

Face au manque d’emplois formels, de plus en plus de jeunes se tournent vers l’auto-emploi. L’entrepreneuriat est souvent présenté comme une voie libératrice. Pourtant, créer son activité ne s’improvise pas. Outre les freins administratifs, l’accès au financement demeure un défi majeur.

Fatoumata, 29 ans, a lancé une petite coopérative de production de savon artisanal à Kindia avec trois amis de promotion. « Au début, on a utilisé nos économies personnelles. Aujourd’hui, nous avons du mal à passer à l’étape suivante parce qu’aucune banque ne veut nous prêter sans garanties que nous n’avons pas. »

Ce qui pousse certains à se tourner vers les aides publiques, comme les programmes d’appui du Fonds de Développement Économique et Social ou du Projet d’Appui à l’Employabilité et à l’Insertion des Jeunes (PAEIJ). Mais la bureaucratie, le manque de transparence et la centralisation dans la capitale compliquent leur accès aux jeunes en région.

L’économie informelle en guise de plan B

Loin des discours politiques, une grande partie de la jeunesse guinéenne s’adapte en rejoignant l’économie de survie ou informelle : conduite de taxi-moto, commerce de détail, services domestiques, ou encore petits boulots dans la construction. Ces activités, bien que peu valorisées, assurent un revenu minimal et une certaine autonomie.

Mohamed, diplômé en biologie et aujourd’hui vendeur ambulant à Madina, relativise : « Ce n’est pas ce pour quoi j’ai étudié, mais je ne voulais pas rester bras croisés. Entre rien faire et travailler pour manger, j’ai vite choisi. »

Cette flexibilité observée chez les jeunes est une force souvent sous-estimée. Si elle ne remplace pas un véritable emploi stable, elle témoigne d’une capacité de résilience propre au contexte guinéen.

Les métiers techniques et manuels : une voie trop peu explorée

Les métiers techniques restent sous-valorisés dans l’imaginaire collectif, souvent perçus comme des « métiers de seconde zone ». Pourtant, dans des domaines comme la plomberie, l’électricité, la mécanique, la maintenance informatique ou même l’agriculture mécanisée, les opportunités ne manquent pas. Le paradoxe, c’est que des entreprises peinent aujourd’hui à trouver des jeunes formés localement dans ces secteurs spécifiques.

Les centres de formation professionnelle, bien que présents sur le territoire, souffrent souvent d’un manque d’équipements, d’encadrement et de reconnaissance sociale. Redonner une vraie valeur à ces parcours serait un levier fort pour absorber une partie du chômage diplômé.

Le numérique, un horizon prometteur

Dans un pays où l’accès à Internet progresse lentement mais sûrement, le numérique ouvre de nouvelles perspectives insoupçonnées. Des jeunes guinéens se forment à travers des plateformes en ligne comme Coursera, OpenClassrooms ou même YouTube, dans des domaines comme le développement web, le graphisme, le marketing digital ou la cybersécurité. Ces compétences, souvent acquises en autodidacte, trouvent preneurs même à l’échelle internationale.

Un exemple? Mariam, 25 ans, autodidacte en création de sites web, facture aujourd’hui des prestations à des clients en France via des plateformes comme Fiverr. « J’ai compris que le diplôme seul ne me mènerait pas loin. Avec une bonne connexion Internet et de la discipline, j’ai développé mes compétences et trouvé une source de revenus. »

Cette dynamique reste toutefois limitée à ceux qui ont accès aux outils numériques et une bonne maîtrise du français ou de l’anglais, excluant une partie de la jeunesse rurale ou non scolarisée.

L’importance de l’orientation et du mentorat

Bon nombre de jeunes arrivent sur le marché du travail sans véritablement savoir comment se positionner, ni même ce que veulent dire certaines compétences demandées par les employeurs. L’orientation scolaire et professionnelle demeure un maillon faible dans notre système éducatif. Introduire ces dimensions dès le secondaire permettrait aux étudiants de faire des choix d’avenir plus éclairés.

De plus, la mise en place de programmes de mentorat, notamment avec des professionnels de la diaspora, pourrait favoriser les échanges d’expérience et la transmission de compétences utiles. Des initiatives comme Guinée Coders ou Jeune Leader Afrique commencent à faire bouger les lignes dans ce domaine.

Des pistes pour un avenir plus viable

  • Mieux adapter les cursus universitaires aux besoins du marché : en impliquant les entreprises dans l’élaboration des programmes.
  • Décentraliser l’accompagnement à l’insertion : en renforçant les antennes régionales de l’ANPE (Agence Nationale pour la Promotion de l’Emploi).
  • Créer des ponts entre enseignement général et formation professionnelle : pour que les jeunes puissent rebondir plus facilement.
  • Donner une vraie place à l’apprentissage sur le terrain : via des stages obligatoires, des formations en alternance ou l’incitation à l’entrepreneuriat local.

Une jeunesse en quête de sens, pas seulement de salaire

Au-delà du besoin de travailler, les jeunes Guinéens cherchent de plus en plus à s’inscrire dans une activité qui a du sens. Nombreux sont ceux qui se lancent dans des projets communautaires, environnementaux ou culturels. Le tourisme responsable, par exemple, compte désormais plusieurs initiatives portées par des jeunes : circuits patrimoniaux, valorisation des savoir-faire locaux, écotourisme en zone rurale…

Ces projets, bien qu’encore embryonnaires, participent à une redéfinition du « travail » comme levier d’utilité sociale et collective, et non plus seulement comme simple source de revenu. C’est là un changement de paradigme important que les politiques publiques gagneraient à soutenir davantage.

Face à la complexité du chômage diplômé, aucune solution miracle ne suffira. Mais avec des leviers bien identifiés, un accompagnement adapté, et la reconnaissance des potentialités locales, une voie s’ouvre. Celle d’une jeunesse qui transforme l’attente en initiative, et l’absence d’opportunités en terreau de créativité.