La Guinée face aux défis de l’inflation : quelles solutions envisagées par le gouvernement

Une inflation galopante qui frappe les foyers guinéens

Depuis plus d’un an, la Guinée est confrontée à une inflation persistante qui désorganise le quotidien des ménages. Le panier de la ménagère s’est lourdement alourdi, les produits de première nécessité connaissent des hausses vertigineuses, et l’espoir d’un apaisement se fait attendre. Riz, huile, savon, carburant… Peu d’articles échappent à l’augmentation des prix. Cette réalité économique n’est pas seulement visible dans les chiffres fournis par l’Institut national de la statistique : elle s’incarne dans les récits des citoyens, dans les étals des marchés, dans les frustrations des commerçants et dans l’inquiétude des ménages à revenu modeste.

Selon les dernières données publiées par la Banque Centrale de la République de Guinée (BCRG), le taux d’inflation a dépassé les 10 % cette année. Un signal d’alarme pour l’économie nationale mais surtout une pression insoutenable pour les familles, en particulier celles qui vivent des activités informelles ou agricoles.

Mais face à cette crise aux racines complexes, quelles sont les réponses proposées par le gouvernement guinéen ? Où en sommes-nous dans la mise en œuvre de ces politiques, et sont-elles en mesure de soulager durablement les populations ?

Les causes multifactorielles de l’inflation en Guinée

Comprendre l’ampleur du phénomène nécessite d’en analyser les sources. L’inflation guinéenne ne saurait être attribuée à une seule et unique cause. Elle est le fruit de plusieurs dynamiques combinées :

  • La volatilité du franc guinéen : La monnaie nationale connaît une instabilité importante face aux devises étrangères, rendant les importations plus onéreuses.
  • La dépendance aux produits importés : Plus de 70 % des produits alimentaires consommés localement sont importés, ce qui expose directement les prix aux fluctuations mondiales.
  • La hausse des coûts de transport : Le prix du carburant ayant augmenté à plusieurs reprises, cette réalité se répercute sur tous les secteurs du commerce et du transport de marchandises.
  • Le contexte international : La pandémie de COVID-19 puis la guerre en Ukraine ont perturbé les chaînes d’approvisionnement mondiales, augmentant les coûts de production et de transport à l’échelle planétaire.
  • Les insuffisances de la production locale : Le secteur agricole, pourtant porteur, reste sous-exploité, affecté par un manque d’infrastructures adéquates, de formation, et d’accès au financement.
  • Autrement dit, l’inflation en Guinée est structurelle et conjoncturelle, nationale et internationale. C’est ce qui rend sa gestion si complexe.

    Un gouvernement sous pression : quelles stratégies mises en place ?

    Conscient de l’urgence de la situation, le gouvernement de transition, par l’intermédiaire du ministère de l’Économie et des Finances, a annoncé plusieurs mesures destinées à contenir la flambée des prix. Certaines ont été bien accueillies, d’autres suscitent des interrogations quant à leur efficacité à long terme.

    Voici les principaux volets de la réponse gouvernementale :

    • Subvention du carburant : Afin d’amortir les effets de la hausse du prix à la pompe, l’État a mis en place des subventions ponctuelles. Ce mécanisme a permis de stabiliser temporairement les coûts du transport urbain et de certaines denrées, mais représente un fardeau budgétaire conséquent.
    • Contrôle des prix sur certains produits de base : Des campagnes ont été lancées par les préfectures et les mairies pour encadrer le prix du riz, de l’huile et du sucre, avec des inspections régulières des marchés. Toutefois, les résultats sont mitigés car le contrôle reste difficile à appliquer sur l’ensemble du territoire.
    • Promotion de la production locale : Des incitations fiscales et un soutien technique ont été apportés aux agriculteurs et aux coopératives locales. Des réserves sont cependant émises quant aux retombées immédiates, étant donné que ce secteur nécessite du temps pour atteindre son plein potentiel.
    • Appels à la solidarité régionale : La Guinée a entamé des discussions avec ses partenaires ouest-africains pour renforcer les échanges commerciaux intra-régionaux. Une piste prometteuse face à la dépendance extrême vis-à-vis des importations lointaines.

    Les voix du terrain : entre résilience et découragement

    Si les chiffres parlent, les voix des citoyens résonnent avec encore plus de force. Dans les rues de Conakry et à l’intérieur du pays, les témoignages se rejoignent : les familles gèrent de plus en plus difficilement leurs dépenses, les commerçants réduisent leurs marges pour ne pas perdre leur clientèle, et certains produits deviennent tout simplement inaccessibles.

    Mariama, vendeuse de légumes au marché de Madina, confie : « Avant, avec 100 000 GNF, je pouvais acheter plusieurs articles de revente, maintenant il faut presque le double pour avoir la même chose. Je travaille pour survivre, pas pour épargner. »

    Sékou, chauffeur de taxi-moto à Labé, ajoute : « Quand le carburant augmente, tout augmente. Nous on ne fixe pas les prix, mais les passagers nous accusent. On est au milieu. »

    Ces récits illustrent une population tiraillée entre la nécessité de s’adapter et l’épuisement face à l’instabilité des prix.

    Des experts appellent à des réformes structurelles

    Les économistes guinéens sont eux aussi unanimes : les mesures d’urgence doivent impérativement être suivies de politiques de fond. Pour Abdoulaye Camara, professeur d’économie à l’Université Général Lansana Conté de Sonfonia, « la solution durable passe par une politique agricole ambitieuse et une industrialisation légère orientée vers la consommation locale ». Il insiste sur l’exemple du riz guinéen, « qui reste sous-exploité alors qu’il pourrait réduire de manière significative notre facture d’importation ».

    D’autres spécialistes pointent l’importance de la bonne gouvernance et de la transparence dans l’utilisation des fonds publics. Chaque franc guinéen investi doit produire un impact visible, mesurable, et durable. Il est également recommandé de créer des dispositifs de protection sociale ciblés, à destination des couches les plus vulnérables.

    L’espoir d’une économie résiliente et inclusive

    Malgré les défis considérables, de nombreuses initiatives citoyennes émergent. Des associations de femmes se regroupent pour acheter en gros et partager les provisions, des jeunes entrepreneurs investissent dans l’agriculture biologique ou le petit élevage, et certains villages mettent en place des systèmes d’entraide alimentaire. Ces signes, bien qu’encore dispersés, témoignent d’une résilience guinéenne qui ne demande qu’à être soutenue et reproduite.

    L’État, les bailleurs, les collectivités et la société civile ont tout à gagner à renforcer ces dynamiques locales. Mener une bataille contre l’inflation ne se limite pas à stabiliser les prix à court terme ; il s’agit d’installer une économie capable de résister aux chocs externes, de valoriser ses ressources internes, et de garantir un minimum de stabilité aux citoyens.

    Vers quelles perspectives pour 2024 ?

    La loi de finances 2024, actuellement à l’étude, devrait refléter les priorités du gouvernement pour répondre à cette crise. Les observateurs attendent notamment une hausse des investissements dans les infrastructures agricoles, un meilleur encadrement des importations, et la relance effective de l’économie locale à travers les PME et PMI guinéennes. Mais la vigilance reste de mise : les expériences passées ont montré que de nombreux plans ambitieux sont restés lettre morte, faute de suivi ou de coordination.

    La Guinée a les moyens de faire face à cette inflation, mais cela suppose des choix audacieux, des réformes en profondeur et surtout une volonté politique constante. En attendant, les Guinéens, eux, continuent de composer avec une réalité économique exigeante, entre prudence, adaptation et espoir mesuré.